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Le visiteur trouvera dans cette rubrique des textes de une à douze lignes au plus qui constituent des thèmes de réflexion sur la photographie et sa pratique.

 

Dans mes expositions ou dans mes catalogues je propose toujours un peu de lecture, et de réflexion, en associant  des citations à certaines photos ou séries de photos.
Dans les expositions je glisse aussi des panneaux portant des textes de présentation.

 

Le visiteur trouvera ci-dessous le recueil de citations dans lequel je viens puiser.

 

 

Mais,

je répète, avec insistance,  que les idées exprimées dans ces textes doivent être saisies, de façon générale, comme des sujets de réflexion, et non comme des idées que je défends.

 

En outre,
Il faut savoir,
que faire et présenter des photographies, quel qu’en soit le genre, constitue aussi un processus de citation.
La photographie « cite » des empreintes de fragments d’espace et de temps.
 Un processus qui laisse toujours au spectateur une très grande latitude d’interprétation.

Selon John Berger, « la photographie ne traduit pas les apparences, elle les cite ».

 

Par contre citer un texte c’est citer une interprétation déjà affirmée.

La citation littéraire requiert donc quelques prudences.

Placée à côté ou à l’intérieur d’un texte, elle s’impose comme une référence destinée à justifier ou à renforcer le développement d’un concept. Associée à une photographie ou à une série de photographies, elle tend à orienter leurs interprétations.
Or, dans beaucoup trop de publications, de livres, de discours écrits ou oraux,
 la citation littéraire me paraît  utilisée de façon abusive, comme pour «  illustrer » ou « décorer » le document.

Attention !
Dans tous les cas, en photographie comme en littérature, citer revient à marquer (ou découper), désigner, montrer, signaler, pour essayer de produire des effets qui, parfois, seront de même nature.
Mais celui qui écrit ne manipule pas les mêmes matériaux que celui qui photographie,
et réciproquement, bien sûr.
Or, aujourd’hui faire des photographies, c'est-à-dire citer des fragments d’espace et de temps, est devenu d’une facilité telle, qu’au niveau de la pratique, le « degré zéro » a véritablement été atteint. Celui qui écrit peut donc être tenté de s’inspirer de cette facilité. Et, pour lui, la tentation est d’autant plus grande que l’association de la photographie et du discours dans les mêmes espaces d’expression est elle aussi d’une facilité qui  prête à confusion sur leur fonctionnement médiatique réciproque.
Nous avons là une association de facilités qui, finalement, tend à suggérer un très mauvais usage de la citation. Pour préserver la cohérence de son discours, celui qui écrit doit donc impérativement ne pas s’abandonner à cette tentation de jeter des citations littéraires
à tous vents.      

 

 

 

 

Richard AvedonPhotographe

                    J’ai souvent l’impression que les gens viennent me faire faire leur photo comme ils iraient voir un médecin ou une diseuse de bonne aventure : pour savoir comment ils vont. (« Sur la photographie » de Susan Sontag – Dans la petite anthologie de citations -  page 253 - Editions Christian Bourgeois – 2008)

 

 

Roland BARTHES(1915-1980) – Universitaire de formation littéraire – Ecrivain – Auteur de travaux de recherche très importants en sémiologie

                   1 - Ce que la photographie reproduit à l’infini n’a eu lieu qu’une fois : elle répète mécaniquement ce qui ne pourra jamais plus se répéter existentiellement. (La Chambre Claire – Page 15 – Edition de l’Etoile, Gallimard, Seuil - 1980).

                   2 - Devant l’objectif, je suis à la fois : celui que je me crois, celui que je voudrais qu’on me croie, celui que le photographe me croit, et celui dont il se sert pour exhiber son art. (La Chambre Claire – page 29).

                    3 - Dans un premier temps, la photographie, pour surprendre, photographie le notable ; mais bientôt, par un renversement connu, elle décrète notable ce qu’elle photographie. Le « n’importe quoi » devient alors le comble sophistiqué de la valeur. (La Chambre Claire – page 60).

                    4 - … j’ai toujours l’impression (peu importe ce qui se passe réellement) que, …, dans toute photographie, la couleur est un enduit apposé ultérieurement sur la vérité originelle du Noir-et-Blanc. (La chambre Claire – page 128).

                    5 - La photographie ne dit pas (forcément) ce qui n’est plus, mais seulement et à coup sûr, ce qui a été. … l’essence de la photographie est de ratifier ce qu’elle représente. (La Chambre Claire – Page 133).

                    6 - Peut-être avons-nous une résistance invincible à croire au passé, à l’Histoire, sinon sous forme de mythe. La photographie, pour la première fois, fait cesser cette résistance : le passé  est désormais aussi sûr que le présent, ce qu’on voit sur le papier est aussi sûr que ce qu’on touche. (La Chambre Claire – page 136).

                    7 - Les réalistes, dont je suis, et dont j’étais déjà lorsque j’affirmais que la Photographie était une image sans code – même si, c’est évident, des codes viennent en infléchir la lecture – ne prennent pas du tout la photo pour une « copie » du réel – mais pour une émanation du réel passé : une magie, non un art. (La Chambre Claire – page 138).

                   8 - Je ne puis transformer la Photo qu’en déchet : le tiroir ou la corbeille. Non seulement elle a communément le sort du papier (périssable), mais même si elle est fixée sur des supports plus durs, elle n’en est pas moins mortelle … (La Chambre Claire - page 145).

                    9 - … l’ère de la photographie est aussi celle des révolutions, des contestations, des attentats, des explosions, bref des impatiences, de tout ce qui dénie le mûrissement. (La Chambre Claire – Page 146)

 

Alain BERGALA  - Universitaire – critique de cinéma – Ecrivain – Scénariste et réalisateur

                            Ce qui se dit d’important avec une photo n’est pas forcément dans l’importance de ce qu’elle montre.

 

Pierre BORHANJournaliste très engagé dans la promotion de la photographie

                    1 - Ce n’est ni Vasco de Gama ni Gallilée qui fit de nous les hommes d’une même planète. Ce sont les photographes. Les musiciens, les peintres, même les écrivains n’y auraient pas suffi. Nous pouvons désormais visualiser la terre. Elle était à chacun. Elle est à tous. Voir change le rapport qu’on a avec les choses. Le bout du monde, grâce à la photographie, est au coin de la rue. Elle noue les civilisations entre elles, comme elle noue le futur au passé. Nous savons désormais que notre destin est commun. (Dans la préface de «  Voyons Voir », album de 10 monographies – Editions Créatis - 1980).

                   2 – La photographie ne réduit pas la diversité. Elle la rend plus compréhensible, plus acceptée. Elle est créatrice de culture. Tout ce qui échapperait si elle n’existait pas ! Elle soumet l’attention à ce qui est. Or la sympathie passe par l’attention. (Même référence).

                    3 – Les civilisations du passé ont fait des statuts, puis des tableaux, pour rendre visible l’invisible. Pour reconnaître leurs dieux. Celles d’aujourd’hui font des photos pour se reconnaître elles-mêmes, pour ausculter le visible, quitte à y déceler des indices de l’invisible. (Même référence).

                   4 – La sculpture, la mosaïque, le vitrail, la peinture avaient d’étroites spécifications. La photographie est curieuse de tout. Elle a une force de découverte qu’aucun art n’a eue. A l’espoir  de voir s’ajoute le pouvoir de voir. Le Christ, aujourd’hui, ne serait pas une statue ; ce serait une photo. Les hommes ont aimé ce qu’ils ne voyaient pas. Désormais, ils aiment voir. (Même référence)

                  5 - Quand l’appareil ne fait pas du photographe un touriste, un voyeur, un chercheur, il fait de lui un voyant. (Même référence). 

           

Henri CARTIER-BRESSONPhotographe, parmi les plus grands – Reporter – Peintre

                    1 - Dans un reportage photographique on vient compter les coups, un peu comme arbitre et fatalement on arrive comme un intrus. Il faut donc approcher le sujet à pas de loup, même s’il s’agit d’une nature morte. Faire patte de velours, mais avoir l’œil aigu. Pas de bousculade ; on ne fouette pas l’eau avant de pêcher. Pas de photo au magnésium, bien entendu, par respect ne serait-ce que pour la lumière, même absente. Sinon le photographe devient quelqu’un d’insupportablement agressif. Ce métier tient tellement aux relations qu’on établit avec les gens, un mot peut tout gâcher et toutes les alvéoles se referment. (Les cahiers de la Photographie - N° 18 – Pages 12 et 13 – Revue publiée par l’Association de Critique contemporaine en Photographie)

                   2 - Photographier, c’est dans un même instant et en une fraction de seconde, reconnaître un fait et l’organisation rigoureuse de ses formes perçues visuellement qui expriment et signifient ce fait. C’est mettre sur la même ligne de mire, la tête, l’œil et le cœur. (Même référence).

 

Cyril CONNOLY(1903-1974) – Ecrivain et critique littéraire britanique

                    Qu’est-ce que nous recherchons chez un photographe ? Curiosité, intelligence, humilité, détachement et une certaine qualité de l’imagination qui mette un contrepoids à la brutalité de la machine elle-même, qui ne voit que la surface des choses. Et aussi, je crois, un certain sens des interrogations sans réponse, une maîtrise parfaite de la technique et un goût exigeant dans le choix du moment. Car le déclenchement de l’obturateur est une sentence de mort, c’est l’instant guillotiné. Il est préférable de la laisser entre les mains d’un homme en paix avec lui-même. (Dans « Ombre et Lumières » de Bill Brandt – Editions du Chêne - 1977).

 

Louis CROSEnseignant – Photographe

                    1 - Les photographes ont un pouvoir superbe qui enflamme leur esprit parce qu’ils sont comptables des molécules des autres ; ils sont des stoppeurs de matières et des notaires du vivant. (Les images Retournées – Page 9 – EDILIG (Service d’édition de la Ligue Française de L’enseignement et de l’Education permanente - 1981)

                   2 - … l’œil routinier voit la réalité, belle ou morne : l’œil du photographe voit en supplément l’abstraction qui transcende la réalité. (Même référence – Page 10).

                   3 - Le photographe véritable est aussi un homme des outils …Renouer avec la matière c’est aussi retrouver ses racines, et le photographe n’y faillit pas, qui peut revendiquer le message, la construction du monde et garder la main sur le manche de l’outil. (Même référence – page 19)

                   4 - « Dans un groupe de personnes en activité, celui qui se désigne comme photographe affiche, ipso facto, un statut spécial. Cessant d’être à l’intérieur de l’événement pour en devenir l’observateur et le notaire, il accomplit un acte qui le nomme et le met sous surveillance. Dans cette relation regardant-regardés qui interrompt le cours des choses passe un peu d’incertitude et ceux pour qui le temps en marche est un état normal interrogent celui qui va le rendre horizontal.». (Même référence -  page 20).

                   5 - Car si la photographie découpe dans le temps un fragment « inhumain » de réalité, par contre elle a le pouvoir de rendre perceptible ce que l’œil « humain » ne peut pas voir : le fugitif, le mort-né, l’éclair ; ce qu’on ne peut ni retenir ni reproduire, et bien entendu ce qui ne s’invente pas. La perception normale n’est pas assez rapide, engluée qu’elle est dans la tyrannie de la continuité vécue. (Même référence – Page 32). 

                  6 - « Pourtant une fois photographié, ce détritus prend une existence ; étant de nature secondaire et même négligeable, il a franchi un seuil qui le fait changer de statut et entrer dans le domaine des choses présentes, donc notables et respectées.» . (Même référence - page 20).

                   7 - L’instant photographique est un instant magique parce qu’il est à la fois complet et suspendu, réaliste et énigmatique ; dans tous ses vides s’installe le charme étrange de la surréalité. (Même référence - page 24).

                   8 - Prendre une image revient à en nier des milliers et à regarder en face le gouffre sans fond d’une responsabilité impossible à assumer.  Cadrer, déclencher, faire avancer le film, c’est mentir par omission et se laisser envahir par les inquiétudes de l’honnêteté ; ou bien ressentir les satisfactions de la bonne conscience et s’exposer alors à toutes les insuffisances de la subjectivité. Mais combien se préoccupent de la face cachée de la lune ?  (Même référence - page 41).

                   9 - … D’un évènement en cours, tel photographe montera le contenu documentaire ou les structures plastiques, tel autre situera les personnages dans le décor, tel autre ne montera que des visages ; les uns s’attacheront à l’image qui résume, les autres à celle qui met en doute. Toutes ces possibilités éventuelles de montrer représentent en premier lieu la culture et la pensée du photographe, et en second lieu, beaucoup plus modestement, une parcelle de vérité. Ces formes de vision personnelle nous permettent de distinguer les petits photographes des grands, de reconnaître les grands entre eux, de définir des époques, des écoles, des modes, des idéologies et des ignorances ; ces fidélités infidèles, cette subjectivité inexorablement inscrite au dos de l’image, nous enseigne que celui qui photographie le monde se photographie d’abord lui-même. (Même référence - page 41).  

                   10 - « Ce que dit l’image est vrai, mais l’image ne dit pas tout, … ». (Même référence - page 54).

                   11 - « A chaque instant l’homme est un sujet pour le photographe, à condition que celui-ci veuille bien oublier les images qui peuplent son souvenir et qui orientent, sans qu’il le sache, son regard. ». (Même référence - page 116).

 

Jean-Claude GAUTRANPhotographe – Journaliste – Ecrivain

                    Photographier c’est engager une course poursuite contre l’effacement, la disparition, le néant. C’est une lutte contre le temps, un défi à l’oubli.

 

Claude LEGER - Photographe

                   Je n’ai donc pu concevoir la photographie que comme la résurgence d’images très anciennes, sans cesse perdues, sans cesse reprises, d’images fêlées, passées, tremblées, truquées, tronquées, immémoriales. C’est doute la raison pour laquelle la photographie me semble si proche du rêve : étranges représentations hallucinées de rituels évanouis. (Dans l’introduction à Photo Actuelle en France – Contrejour - 1980).

 

Alain LEGRAND

                   Depuis son invention, la photo relate des bribes d’histoire, mais surtout elle s’inscrit dans l’histoire qu’elle contribue désormais à écrire. Modelant notre regard sur le monde, transformant esthétiques, philosophies, institutions, elle écrit, ou tout au moins trace, les sentiers de notre vie, que le retournement archéologique de l’esprit sur le vécu reconnaîtra bientôt comme histoire.

                   Force matérielle de transformation de la culture elle est force d’écriture de l’histoire.  (L’écriture photographique. Ses images – Page 55 – Calligrammes - 1981)

 

Nietzche(1844-1900) – Philosophe Allemend

                    Connaître quelque chose sur la mode de la beauté, c’est nécessairement la connaître sur le mode de l’erreur. (Citation prélevée dans le recueil de citations littéraires inclus dans (« Sur la photographie » de Susan Sontag – Dans la petite anthologie de citations -  page 249 - Editions Christian Bourgeois – 2008)

 

Man Ray – (1890-1976) - Peintre - Photographe

                     Je photographie ce que je ne souhaite pas peindre et je peins ce que je ne peux pas photographier  - (« Sur la photographie » de Susan Sontag – Dans la petite anthologie de citations -  page 251 - Editions Christian Bourgeois – 2008)

 

Susan SONTAG(1933-2004) –Essayiste et romancière américaine

                    1 – Prendre un cliché c’est participer à la vulnérabilité, à la nature instable et mortelle d’un être ou d’une chose. En découpant dans le vif et en gelant l’instant qui passe, chaque photographie porte témoignage de la fuite impitoyable du temps. (La photographie - page 26 – Seuil – Collection « Essai » - 1979).

                    2 – A travers la photographie, le monde prend l’aspect d’une immense série de particules isolées, sans rapport entre elles, et l’histoire, passée ou présente, devient une collection d’anecdotes ou de faits divers. L’appareil photographique atomise la réalité, la convertit en objets maniables et opaques. (Même référence – page 34)

                    3 - …la façon dont l’appareil photographique rend compte de la réalité dissimule toujours plus qu’elle ne révèle. (Même référence – page 35).

                    4 – En ajoutant à un monde déjà encombré son « doublement » en images, la photographie nous conduit à penser que ce monde est beaucoup plus à notre portée qu’il ne l’est en réalité. (Même référence – page 36)

                    5 – L’artiste le plus fidèle à la logique de son art qu’ait connu le XIXe siècle, Stéphane Mallarmé, disait que tout au monde existe pour aboutir à un livre. Tout existe de nos jours pour aboutir à une photographie. (Même référence – page 36)

                    6 – Ces photographies qui, en fixant les formes du passé, en font un objet de consommation, sont comme les menus éléments d’un puzzle incomplet. Toute collection de photographie constitue un exercice de montage surréaliste et un abrégé surréaliste de l’histoire. (Même référence -  page 84) 

                   7 – Les photographies créent l’apparence du beau – et, à travers des séries de prises de vues, vont la dégrader. (Même référence -  page 99)

                    8 – Une photographie est un secret qui nous parle d’un secret, observait Arbus ; plus elle paraît explicite et moins nous sommes éclairés. (Même référence page 128)

                    9 – En nous enseignant un nouveau code visuel, les photographies modifient et élargissent notre idée de ce qui mérite d’être regardé et de ce que nous avons le droit d’observer. Elles constituent une grammaire et, ce qui est encore plus important une éthique du regard. Enfin, le résultat le plus monumental de l’entreprise photographique est de nous donner le sentiment que le monde entier peut tenir dans notre tête, sous la forme d’une anthologie d’images. (Sur la Photographie – page 15 – Traduction publiée par Christian Bourgois éditeur – 2008)

 

Edward STEICHEN(1879-1973) – Photographe et peintre américain

                    Une image vaut mille mots à condition que vous l’accompagniez de dix mots.

(Dans son livre « Photographies – Sur le fil du hasard », Willy Ronis attribue cette phrase au photographe américain Edward Steichen).

 

Serge TISSERON(Psychiatre et psychanalyste)

                    1 - La photographie est souvent présentée comme une forme de lutte contre le temps qui file et contre la mort qui guette. Alors tout est condamné à changer – à mourir, diront certains … - la photographie imposerait un présent éternel. Ceux qui défendent une telle position ne manquent jamais d’invoquer la chimie. Les photographes actuels utilisent en effet les mêmes substances que les momificateurs dans l’ancienne Egypte : hyposulfite et acide acétique notamment. Le rapprochement métaphorique prend valeur d’argument. Photographier et embaumer deviennent deux actions équivalentes, presque identiques. Un pas de plus est rapidement franchi, de l’action à l’intention : photographier serait une tentative d’arrêter le cours du temps. (Le mystère de la chambre claire – Photographie et inconscient – Page 65 – Editions Flammarion – mars 2010)

                    2 - Les tricheries permises par les phases successives de la photographie (mise en scène au moment de la prise de vue, puis maquillage des négatifs et des positifs de l’image) permettent de construire une image conforme à ses fantasmes et qui se donne pourtant avec toutes les apparences de la « réalité ». (Même référence – pages 93-94)

                    3 - Alors que nous croyons voir le monde nous ne voyons que la surface opaque de la lumière. C’est pourquoi la plus grande partie du monde est condamnée à nous rester invisible. La photographie ne capte de même que la surface opaque des objets. C’est pourquoi elle est prise dans la même illusion que le regard lui-même. Croyant percevoir le monde, nous ne percevons que la croûte des choses ; et croyant photographier le monde ce n’est que cette croûte que nous photographions.

                    4 - En liant les choses visibles à l’espace invisible qui les enveloppe, la photographie révèle la continuité essentielle du monde.

                    5 - Faire une photographie c’est déjà toujours penser à ceux à qui elle sera montrée et avec qui elle pourra être commentée.

                   6 - Pour faire un « bon » tableau, il faut être un « bon » peintre. Mais tout le monde peut, un jour, faire une « bonne » photographie. Ce n’est pas affaire de hasard, mais de réceptivité inconsciente à un évènement. En revanche faire une « œuvre photographique » nécessite de savoir connaître, orienter, reproduire et utiliser de telles disponibilités. Ce que peu de photographes réussissent.

                    7 - Mais la photographie présente, par rapport aux autres formes de trace, une particularité essentielle. La trace qu’est toute photographie n’est pas faite de main humaine. Une photographie n’existe que par la rencontre réelle des photons reflétés par les objets et la surface sensible de la pellicule. Autrement dit, le réel de l’objet, dans la photographie, est présent à chacune de ses phases.

                    8 - En fait la différence essentielle entre la photographie et la peinture porte sur le point suivant : le réel de la peinture, c’est la couleur ; le réel de la photographie c’est la lumière reflétée par les objets.

                    9 - La « chambre noire » est la prothèse technologique que l’homme a su la plus efficacement adapter à ses besoins psychiques d’assimilation du monde.

 

Michel TOURNIEREcrivain

                    1 - Le créateur transporte un univers avec lui-même et il projette cet univers partout où il va …C’est cela, je crois qui fait le créateur, le grand photographe : la signature invisible qu’il a sur chacune de ses photographies et qui fait que nous les reconnaissons instantanément, quand nous connaissons le photographe et son œuvre. (Arles 1980).

                    2 - Or qui dit « reproduction » dit absence de création, et voilà défini le paradoxe de toute œuvre d’art, qui éclate, je crois, avec une violence particulière dans le cas de la photographie : celui de la copie du réel qui est en même temps création. (Arles 1980)

 

Henri VANLIER(Philosophe – universitaire)

                    La photo est faite d’indices. Ainsi son unité de construction et de lecture n’est pas la décision du trait, caractéristique du signe, même en Chine et dans les cavernes, mais la plage. Dans la photo, le trait n’est jamais qu’un cas extrême d’élongation rectiligne ou curviligne de la plage. (Philosophie de la Photographie – page 25 - Numéro hors série des Cahiers de la Photographie).

 

Edward Weston(1896-1958) - Photographe Américain

                    Il faut vraiment le vouloir pour contraindre un appareil de photo à mentir : fondamentalement, c’est un moyen d’expression honnête. Si bien que le photographe aura plutôt tendance à approcher la nature dans un esprit d’enquête, de communication, qu’avec l’insolence crânerie d’un soit-disant « artiste ». (« Sur la photographie » de Susan Sontag – Dans la petite anthologie de citations -  pages 251-252 - Editions Christian Bourgeois – 2008).

 

De moi-même

                   …, il ne faut pas oublier la photographie que nous faisons, nous, les consommateurs d'images.  Elle parait secondaire, et pourtant, avec elle, non seulement s'écrit une part importante de l'histoire, mais, dans notre vie intérieure, elle pose ses images comme des bornes sur les chemins sinueux de notre mémoire, corrigeant sans cesse ses souvenirs.  (ECOLE : et les effets de la télévision ? » - Texte non publié )